6 juin 2025 – 14h : séminaire international n° 67
Intervenant
Grégory Dandurand,
Laboratoire TRACES, université de Toulouse Jean-Jaurès
Thème
Les dessous des karsts : dans l’intimité des grottes
Résumé : Mon intervention consistera à présenter mon parcours scientifique et mes travaux de recherche sur les karsts, articulés autour de la fantômisation, de la spéléogenèse et de la géoarchéologie.
Mes travaux sur l’évolution géomorphologique du karst de La Rochefoucauld en Charente ont mis en évidence l’importance de la fantômisation, processus d’altération chimique des roches carbonatées, dans la formation des grottes charentaises. Ce processus crée des « fantômes de roche » poreux qui, une fois évacués, donnent naissance à des réseaux souterrains complexes, sans véritable drain collecteur. Cette particularité a des implications majeures sur la conservation des sédiments à long terme.
En effet, ce type de spéléogenèse a permis un piégeage et une conservation exceptionnelle des sédiments depuis le Plio-Pléistocène. Mais bien que les dépôts sédimentaires en milieu souterrain constituent des archives naturelles riches du fait qu’ils enregistrent des informations paléoenvironnementales relatives à la genèse des cavités, aux dynamiques des systèmes fluviaux, aux variations hydro-climatiques quaternaires ou encore aux activités humaines, leur étude reste pourtant délicate. La sédimentation en contexte de grotte dépend non seulement des conditions de transfert, mais aussi des relations entre la cavité et la surface, et surtout des contraintes géométriques et de volumes, de structuration du karst et d’organisation des réseaux souterrains. En outre, des processus post-dispositionnels biogéniques, hydrologiques, aérologiques ou anthropiques, qui peuvent affecter les séquences sédimentaires, complexifient la lecture et rendent l’interprétation souvent incertaine. Si ces sédiments révèlent une partie de l’histoire géomorphologique et paléoenvironnementale régionale, la discrimination des paramètres environnementaux régionaux et des contraintes locales liée à la morphométrie des grottes (« effet de site ») reste un enjeu d’interprétation de taille.
Progressivement, la lecture des morphologies souterraines m’a conduit à la géoarchéologie. En collaborant avec des archéologues, on a pu dater et interpréter les séquences stratigraphiques dans différentes grottes, et réciproquement, nos interprétations ont aidé les archéologues à affiner la compréhension des contextes environnementaux des occupations humaines. Ce travail s’est donc prolongé sur les questions taphonomiques en contexte souterrain ; il cherche à répondre aux interactions complexes entre l’évolution des paysages et les occupations humaines à différentes échelles de temps, dont trois orientations seront ici exposées : la géoarchéologie des grottes (traces subtiles des occupations humaines), la biocorrosion (une nouvelle lecture des paysages souterrains), le projet Homini’karst, sur les traces des premiers hommes en Afrique australe.
En somme, le karst est un objet géologique formidable, ultra puissant pour reconstituer l’histoire des paysages et des occupations humaines, offrant des archives uniques bien que parfois complexes à interpréter.
Lieu
Salle 410, bât. B35 (3ème étage, aile nord), université de Poitiers.