Conférences disponibles
Mouloud BENAMMI

De la boussole aux livres. peut-on dater à l’aide du champ magnétique de la terre ?
Les inversions du champ magnétique terrestre constituent un bon outil de datation et de corrélation dans les séries sédimentaires et volcaniques. La faculté qu’ont les minéraux magnétiques dans les roches sédimentaires et volcaniques de fossiliser la direction du champ magnétique terrestre au moment de leur formation permet une grande variété d’applications géologiques, tel que la datation.
La magnétostratigraphie constitue une application du paléomagnétisme prenant actuellement de plus en plus d’importance. L’intérêt de cette méthode vient du fait que les inversions du champ magnétique constituent un phénomène synchrone à l’échelle de la planète et instantané à l’échelle géologique.
La magnétostratigraphie est, comme la biostratigraphie, un outil de datation et de corrélation. Elle est maintenant un outil indispensable à la plupart des études stratigraphiques.
Jean-Renaud BOISSERIE

Nature humaine, fragment de nature
Qu’est-ce que l’humanité ? Quelle est sa place dans la nature ? Quel est l’état de nos relations avec la biodiversité ? Pourquoi, au XXIe siècle, nos sociétés “high-tech” doivent-elles encore et toujours faire face à de graves problèmes environnementaux et sanitaires ?
Par son passé, sa nature profonde, son impact écologique et son comportement, l’humanité s’inscrit pleinement dans la plus belle des histoires, celle du vivant.
Pourtant, nos sociétés peinent à accepter ce fait essentiel et, surtout, à saisir ses implications. Cette limitation de nos aptitudes à comprendre notre univers constitue la menace principale sur notre futur.

L’humanité va disparaître ! Les conséquences d’une vision erronée de notre évolution
L’évolution humaine est, nombrilisme d’Homo sapiens oblige, un sujet de recherche qui passionne. Chaque nouvelle découverte significative bénéficie d’une large couverture médiatique, malheureusement accompagnée d’un impressionnant cortège d’idées reçues, de concepts mal compris et d’erreurs flagrantes. La situation est d’autant plus inquiétante lorsque des scientifiques participent à la surenchère de déclarations exagérées et à la propagation de polémiques artificielles. Ceci peut s’expliquer par la mise en place d’une féroce course aux financements et à la notoriété, en rupture avec les fondements de la démarche scientifique.
En réexaminant les découvertes de ces trente dernières années (y compris les plus récentes), cette conférence a pour objectif de démonter les idées fausses et les distorsions qui contribuent à une vision anthropocentrique de notre place dans la nature. C’est urgent, car notre vision erronée de notre position en tant qu’espèce nous conduit à prendre collectivement des décisions catastrophiques face aux changements environnementaux actuels.

Être vivant : perspectives d’outre-tombe
Définir ce que sont les êtres vivants n’est pas une tâche aisée, parce que les organismes vivants sont extrêmement diversifiés et que des traits importants pour caractériser la vie peuvent être également observés dans le non-vivant. Heureusement, la vie est apparue sur Terre il y a longtemps et a laissé un registre fossile substantiel que nous pouvons utiliser pour explorer la signification de l’expression « être vivant ».
La paléontologie et la biologie nous enseignent que la vie a beaucoup changé au cours du temps, a considérablement modifié la surface et l’atmosphère de notre planète, la rendant dans l’ensemble « vivable » – toutefois avec de sérieux revers. Les humains et tous leurs attributs ont émergé au sein de ce processus historique, ce qui comporte des implications majeures pour notre présent et notre futur.

Les fossiles : marqueurs du temps, mémoire du vivant
À l’échelle d’une vie humaine, le temps se compte en secondes, minutes, années et décennies, plus rarement sur un siècle. Dans la vie de tous les jours, il est rare de faire appel à des durées de plusieurs centaines ou milliers d’années. Pourtant, nos vies s’inscrivent dans une histoire qui se compte en millions et en milliards d’années – celle du vivant et de notre planète. Forgé par des contraintes biologiques et écologiques opérant à des échelles de temps très courtes, le cerveau humain n’a pas la capacité d’appréhender ces immenses durées temporelles. Elles sont donc par définition incommensurables de manière directe – c’est ce qu’on peut appeler le « temps long » ou le « temps profond ».
Pourtant, la perception de ce temps profond pourrait bien contribuer à la survie de l’humanité au sens large (celle d’Homo sapiens et de sa possible postérité). Les fossiles permettent de documenter et rythmer le temps profond. Ils constituent les témoins des événements du passé. Cette mémoire fossile est riche en informations pour anticiper les événements présents et futurs. Les exemples fournis concerneront notamment les travaux de PALEVOPRIM, le laboratoire de paléontologie de l’Université de Poitiers et du CNRS.

A quoi sert la paléontologie ?
Souvent confondue à tort avec l’archéologie (qui étudie les anciennes cultures humaines), la paléontologie est la science des fossiles, c’est-à-dire des témoins biologiques de la vie passée. Les fossiles rythment les quatre milliards d’années qui nous séparent des tous débuts de la vie sur terre. Ils nous parlent des bouleversements biologiques et géologiques qui constituent l’histoire de notre planète.
Mais que signifient ces durées incommensurables et ces événements oubliés pour notre société complexe et mondialisée, face à ses problèmes urgents ? La paléontologie ne serait-elle pas une de ces sciences désuètes occupant surtout de vieux universitaires persuadés que quelques fragments osseux constituent le Graal de nos origines ? Pour répondre à ces questions, cette conférence nous invite à un voyage dans le temps et l’espace, des trilobites aux tous premiers humains, des toutes premières forêts du monde à la savane de Lucy, du bassin aquitain aux rives des lacs Tchad et Turkana. Ce voyage suggère que, d’une certaine manière, tous ces fossiles nous parlent de nous, humains du XXIe siècle, et de notre avenir…

Les humains et les animaux, une opposition dénaturée
Parce que nous sommes dotés de cinq sens imparfaits ne fonctionnant qu’à une certaine échelle, la perception que nous avons de notre univers est souvent inexacte, voire fausse. La terre n’est pas plate, elle n’est pas immobile dans l’univers, le soleil ne tourne pas autour d’elle et le temps ne s’écoule pas de la même manière en tout point de l’espace. La méthode scientifique a permis de montrer la naïveté de ces perceptions qui sont en recul par rapport aux siècles précédents. C’est hélas moins vrai pour la perception que nous avons de notre place dans la nature. Une distinction fondamentale entre les “Hommes” et les animaux est profondément ancré dans notre compréhension du monde, nos langues, nos croyances, nos lois et même dans les travaux scientifiques.
Pourtant, l’immense diversité des espèces animales et Homo sapiens sont unies par des ressemblances fondamentales sur le plan biologique : plan d’organisation, développement, physiologie, génétique, comportement. L’humanité partage tout cela avec les autres espèces animales parce que notre histoire évolutive est également celle des autres animaux et du vivant en général. Nous sommes des animaux parmi tous les autres et nous faisons partie de la biodiversité.

L’humanité face au « péril climatique » ? Leçons du passé
Le réchauffement climatique est devenu un sujet d’inquiétude largement relayé par les médias. De fait, si ce changement climatique nous concerne tous et toutes, c’est un phénomène qui reste difficile à appréhender dans notre quotidien. Pour mieux comprendre son ampleur réelle et sa signification pour notre futur, il est possible d’étudier des évènements équivalents qui ont affecté dans le passé l’histoire environnementale de notre planète en général et celle de nos ancêtres en particulier.
Ces évènements peuvent être considérés comme autant d’expériences scientifiques menées à notre place par la nature. Ces expériences, d’échelle planétaire ou locale, permettent de constater que les changements de notre monde vont en général au-delà de la seule question climatique – ils concernent au premier chef la biodiversité dans son ensemble (humains inclus !). Elles aident également à se faire une idée plus précise des changements qui commencent tout juste à affecter nos vies et nos sociétés, et d’envisager ainsi les futurs possibles.

L’humanité, force géologique ? Mise ne perspective paléontologique de l’Anthropocène
Depuis quelques siècles, l’humanité chamboule complètement la biosphère – altérant le climat, érodant la biodiversité – à tel point qu’on peut parler de crise environnementale majeure à l’échelle de l’histoire de notre planète. Cette constatation a conduit des géologues à proposer une modification de l’échelle des temps géologiques pour marquer cet impact massif de nos activités : ils proposent d’écourter l’époque actuelle (l’Holocène, très méconnue du grand public) – pour nous faire entrer dans une nouvelle époque nommée « Anthropocène ».
Cette proposition de changement de l’échelle des temps géologiques (domaine des spécialistes de la stratigraphie) trouve un écho grandissant au sein d’autres disciplines, par exemple en sciences humaines et sociales, ainsi que dans les médias généralistes. Il est vrai que l’Anthropocène serait un symbole de notre impact actuel sur la nature, y compris dans sa dimension autodestructrice. Cette conférence évoquera la construction de l’échelle des temps géologiques, les questions pratiques liées à la définition de l’Anthropocène, et les problèmes que ce concept soulève.
Guillaume DAVER

Une nouvelle espèce humaine : Homo luzonensis
La découverte inattendue d’une nouvelle espèce humaine contemporaine d’Homo sapiens aux Philippines présentée par un des principaux auteurs de l’étude. Cette conférence retracera la découverte majeure d’une nouvelle espèce humaine et ses implications.
Homo luzonensis a vécu aux Philippines il y a plus de 50 000 ans et présente une combinaison de caractères inattendus pour cette région du monde et cette période. Cette découverte, qui a fait la couverture de la revue Nature en avril 2019, permet de porter à cinq le nombre d’espèces humaines ayant vécu il y a 50 000 ans. Cette diversité était encore insoupçonnée il y a quelques années ; elle interroge sur le passé récent de l’humanité. L’extinction de quatre de ces espèces met en perspective la fragilité de l’espèce survivante – c’est-à-dire nous, Homo sapiens.
Le conférencier, Guillaume Daver, paléoanthropologue spécialiste de l’évolution du squelette humain de l’Université de Poitiers, a apporté une contribution décisive à l’identification de cette espèce disctincte.
Corentin GIBERT

Coopération, entraide et collectifs, l’autre loi de la jungle
« La Loi de la Jungle », nous connaissons tous le sens de cette maxime. Dans la nature la loi c’est le primat du fort sur le faible. La théorie de la sélection naturelle de Darwin fut rapidement, et de nombreuses fois dévoyée afin de justifier l’égoïsme, la violence, et de terribles théories et pratiques telles que le darwinisme social ou l’eugénisme. De son vivant, Darwin tenta de s’opposer aux réinterprétations de sa théorie de la « survie du plus apte » mais rien n’y fit. Aujourd’hui, comme au milieu du XIXème siècle, notre vision de la nature demeure ce miroir qui nous confirme que vivre c’est lutter les uns contre les autres. A travers la présentation de nombreux exemples au sein des mondes animal et végétal, une autre image de la nature se dessine, loin des poncifs éculés de la Loi de la Jungle. Ainsi des bactéries aux grands singes, en passant par les crevettes et les fourmis, nous verrons que l’entraide, la coopération et l’existence des groupes solidaires sont aussi des aspects majeurs de la vie sur Terre, et de son évolution.
Les avancées en biologie et en zoologie comportementale nous permettront de commencer à dévoiler ce continent inconnu qui se dresse devant nous : l’intelligence et l’émotion animale. Ces découvertes récentes nous obligent à repenser les différences entre l’Homme et l’animal pour mieux les effacer et ainsi mieux appréhender l’évolution et l’existence de nos propres émotions et de notre intelligence singulière au sein du règne animal. Cette vision actualisée de la biologie, du comportement animal et des relations au sein et entre les espèces permet d’éclairer d’une lumière nouvelle nos pratiques sociales, économiques et politiques. Si la « loi de la Jungle » ne rime pas uniquement avec compétition, mais aussi avec altruisme, alors que penser de nos sociétés actuelles ? Aujourd’hui de nombreuses personnalités tentent d’interpeller le grand public sur la nécessité de valoriser l’altruisme dans une société toujours plus concurrentielle.
Franck GUY

La face cachée de l’évolution humaine
La fin du XXe siècle et le début du XXIe ont été marqués par la découverte de nombreux restes humains fossiles, notamment en Afrique et en Eurasie. Ces découvertes, sans bouleverser nos conceptions, ont permis de tester les hypothèses scientifiques, d’affiner les modèles et de préciser le contexte de notre évolution. Pourtant, les découvertes de nouveaux fossiles sont le plus souvent relayées auprès du public dans un style sensationnaliste mettant en avant leur caractère révolutionnaire. Chaque découverte serait à l’origine d’une remise à zéro de nos connaissances et le point de départ d’un nouveau paradigme. Notre histoire évolutive peut être ainsi perçue comme empreinte de la plus grande confusion et comme étant trop lacunaire pour être réellement comprise. Évidemment il n’en est rien, l’objectif de cette conférence-atelier étant de revenir sur les fondamentaux de l’histoire de l’humanité, sur ce que nous savons et sur ce qu’il reste à découvrir.
Cette conférence-atelier permettra également d’expliquer le travail scientifique, son fonctionnement, ses méthodes… ce que peut dire un scientifique et ce qu’il ne devrait jamais vous dire. Une part importante sera donnée aux échanges entre élèves et chercheurs, afin de construire ensemble un état des lieux de notre histoire évolutive : qu’est-ce que l’humanité, descendons-nous du singe, sommes-nous tous africains, quand apparaissons-nous ? Et bien d’autres questions…

L’humain est-il une espèce à part ?
Nos caractéristiques biologiques (facultés cognitives, usage de la parole…) et nos modes de vie (production d’outils, transformation de notre environnement…) peuvent sembler singuliers lorsqu’ils sont comparés au reste du monde vivant. D’ailleurs, il n’est pas rare que s’exprime dans nos sociétés le sentiment que nous – Humains, sommes une entité à part dans le règne animal, voire qu’il y a les animaux et nous. Nous serions dès lors dissociables de notre environnement, détachés des phénomènes de sélection et pas vraiment concernés par les problématiques d’évolution et d’extinction qui transforment la biodiversité de notre planète depuis l’apparition du vivant ; parce que nous sommes humains, doués de raisons et technologiquement supérieurs… Sommes-nous si différents ?
Au cours de cette présentation nous tenterons de définir ce qui nous relie au monde vivant, notamment ce qui fait de nous des primates ; ce qui nous définit d’un point de vue biologique et comportemental ; avons-nous toujours été le seul groupe humain sur terre, qu’est-il advenu des autres ? Quelles ont été les relations humains-environnements au cours de l’histoire ancienne de notre espèce ? Peut-on présager de notre futur ?
Gildas MERCERON

Un paléontologue à la ferme
Sur les traces des espèces disparues il y a des millions d’années. Du terrain aux analyses en passant par la ferme : comment reconstituer les régimes alimentaires et les environnements du passé ? Ce sont les dents, organes du tube digestif les mieux préservés dans les sédiments, qui renseignent sur l’alimentation des espèces fossiles.
C’est en travaillant sur des moutons et des porcs d’une ferme limousine de l’Institut de l’Elevage et du centre de recherche INRA de Lusignan-Rouillé que les paléontologues de Palevoprim ont pu affiner les modèles de reconstitutions des régimes alimentaires des espèces fossiles. Un premier pas vers une reconstitution des environnements passés.
Patrick VIGNAUD

Origine de l’homme : 25 ans de coopération franco-tchadienne
Depuis leur découverte en 1925 les préhumains n’étaient connus qu’en Afrique australe et orientale. Cette distribution géographique singulière associée au fait que les plus anciens sont mis au jour en Afrique de l’Est ont conduit certains auteurs (Kortlandt 1972, Coppens 1983) à proposer le paléoscénario East Side Story dans lequel l’Afrique orientale est considérée comme le berceau de l’Humanité.
Depuis 1994 les recherches conduites au Nord Tchad, dans l’erg dunaire du Djourab, par une équipe CNRS/Université de Poitiers ont permis la découverte d’Abel, Australopithecus bahrelghazali, le premier préhumain connu à l’Ouest (2 500 km) de la Rift Valley. Parallèlement, plus de 500 sites fossilifères et 20 000 fossiles datés entre 7 et 3 millions d’années ont été découverts par notre équipe. L’ensemble des faunes mis au jour traduit des mosaïques de paysages qui vont du bord de lac avec forêt galerie, savane arborée et prairie herbeuse, jusque parfois au désert.
La découverte, en juillet 2001, d’un crâne complet (Toumaï, Sahelanthropus tchadensis) dans des niveaux datés autour de 7 millions d’années et représentant le plus ancien hominidé connu, révolutionne les hypothèses jusque-là consensuelles sur les premières phases de l’histoire humaine.